Un soir dans un endroit singulier, trois comédiens et des matières.
Ça commence par une lettre, qui pour être anodine n'en est pas moins terrifiante (Lettre ouverte - Juillet 1970). Et c'est parti pour une séquence guerrière et matières.
Matière texte d'Hanokh Levin, mots à malaxer, à goûter, à mordre, à extirper. Mots rêches en bouche, presque à recracher, certains qui laissent un sale goût, goût de cendre et de sang. Ici, pas de cendres ni de sang, mais des spaghettis, des confettis, du dentifrice, de la mousse à raser, et quelques tubes de gouache, qui font signe. Et sens, forcément !
Matière organique, donc.
Le jeune metteur en scène Benjamin Forel ne ménage pas ses interprètes. Comme s'ils devaient éprouver ces mots durs, cinglants, grinçants, dans leur chair avant de se les mettre en bouche. Presser leur jus pour qu'ils soient plus amers encore. Ainsi le spectateur peut l'entendre, le ressentir... et souffrir ou rire, ou les deux.
C'est du théâtre qui ne ménage pas son spectateur non plus. Il va le chercher, il appuie là où ça fait mal, il le repousse, il le dérange, mais toujours il l'attrape, le rattrape et l'emmène exactement où il veut le mener. En enfer ! Dans l'enfer des mots de Levin, dans leur crudité et leur noirceur, pour peindre la noirceur du monde.
G.V.P Le 30 mars 2015